La prestation compensatoire

Le divorce met fin au devoir de secours entre époux. Cependant, l’un d’eux peut être tenu de verser à l’autre une prestation compensatoire, prétention accessoire de la demande de divorce, en vertu de l’article 270 du code civil. Cette prestation compensatoire permet d’effacer le déséquilibre financier causé par la rupture du mariage dans les conditions de vies respectives des époux.

A. La procédure relative à la prestation compensatoire

La prestation compensatoire n’est pas obligatoire, elle doit être demandée ou convenue. Ainsi, elle peut être fixée dans le cadre des divorces à l’amiable et celui des divorces contentieux. Il est nécessaire qu’une telle demande soit formée au cours de la procédure de divorce, c’est-à-dire avant que le divorce n’acquière force de chose jugée. Une fois la décision de divorce devenue définitive, l’ex-époux ne peut demander la fixation d’une prestation compensatoire.

Dans le cas des divorces amiables, les époux peuvent se mettre d’accord conjointement sur les modalités de versement et les montants d’une telle prestation, sous réserve que les intérêts des deux parties soient respectés. Si aucun accord n’est trouvé, le juge déterminera les contours de la prestation compensatoire, qu’il peut même décider d’office.

C’est au jour du prononcé du divorce que la prestation compensatoire s’appliquera. En principe, il ne peut être renoncé de manière anticipée à une telle prestation, notamment dans le cadre d’une procédure de divorce contentieux, sauf dans le cas des divorces à l’amiable, lesquels doivent le prévoir expressément dans la convention.

Aussi, depuis la réforme de 2004, la prestation compensatoire peut être décidée quand bien même un des époux aurait commis une faute. En effet, la faute n’influe pas en général sur le prononcée d’une telle prestation. Toutefois, le juge peut refuser de l’accorder, en vertu de l’article 270 du code civil, « lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture ».

B. Les modalités de la prestation compensatoire

1. La nature de la prestation compensatoire

La prestation prend le plus souvent la forme du versement d’un capital. Mais, lorsque le débiteur ne peut pas verser le capital en une seule fois, l’article 275 du code civil dispose que des versements périodiques seront appliqués, dans la limite de huit années. Le délai accordé peut dépasser cette limite dans le cas d’un accord des parties en procédure amiable.

Toutefois il peut également s’agir d’une rente viagère, d’un bien en nature (mobilier ou immobilier), de l’usage de l’habitation, d’une prestation mixte d’une somme d’argent et de l’attribution d’un bien, etc.

La nature de la prestation peut évoluer, notamment en cas de décès du débiteur. Si le versement avait la forme d’un capital, le solde du capital sera exigible par le créancier. S’il a la forme d’une rente, le versement prend la forme d’un capital exigible immédiatement. Dans les deux cas, le paiement de la prestation compensatoire sera prélevé sur la succession.

2. L’évaluation du montant de la prestation compensatoire

Le but de la prestation compensatoire est de rééquilibrer la situation matérielle des ex-époux. Dès lors, le montant de la prestation doit prendre en compte les disparités entre les situations des deux parties par différents éléments au moment du divorce, et non pas à la séparation de fait, comme le prévoit l’article 271 du code civil. Il n’existe pas de méthode ou de barème de calcul formellement applicable ou obligatoire. Toutefois, certains critères sont très souvent pris en compte pour calculer le montant de la prestation compensatoire au profit du créancier.

Sont ainsi pris en compte la durée du mariage, l’absence de revenu personnel, l’âge et l’état de santé ne permettant pas de travailler, la participation à l’activité du conjoint durant la vie conjugale sans rémunération, les choix professionnels opérés par le conjoint pour privilégier l’éducation de l’enfant en commun ou favoriser la carrière du second époux. Sont aussi pris en compte le patrimoine des époux, en capital et en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, ou encore les droits respectifs à des pensions de retraite estimées.

Des expertises peuvent être conduites pour déterminer précisément le montant de la prestation compensatoire. L’expertise comptable, que le juge peut ordonner d’office, permettra de vérifier les ressources des conjoints, bien que ceux-ci aient l’obligation dans toutes les procédures de divorce de fournir une déclaration sur l’honneur de l’exactitude de leurs revenus et patrimoines.

3. La révision de la prestation compensatoire

La prestation compensatoire est versée à compter du prononcé du divorce, au jour du jugement pour les divorces contentieux, et au jour de l’enregistrement de la convention pour les divorces amiables. Toutefois, bien qu’elle soit censée être fixée définitivement à compter de ce jour, le demandeur peut tenter de faire modifier les modalités de versement en cas de changement de situation (chômage, maladie, etc.), demande que le juge décidera de satisfaire ou non. Dans le cas d’une prestation sous forme de capital, son montant ne peut pas être modifié, seules les modalités de paiement peuvent l’être (réduction ou allongement de la durée de paiement). Dans le cas d’une prestation sous forme de rente, le débiteur peut en demander la baisse, la suspension ou la suppression si sa situation le justifie.


C. Le refus de payer la prestation compensatoire

Tout comme la pension alimentaire, le non-règlement de la prestation compensatoire est considéré comme un abandon de famille, soit un délit pénal passible de deux ans de réclusion et de 15 000€ d’amende.

Par ailleurs, plusieurs recours permettent d’obtenir le versement de la prestation, sous réserve d’avoir un titre exécutoire attestant du droit à la prestation compensatoire. Si la prestation compensatoire a la forme d’une rente, au premier impayé le créancier peut demander une procédure de paiement direct par huissier afin de prélever le montant de la prestation sur les sommes dues à l’ex-époux créancier par un tiers (employeur, organisme public). Il existe aussi la saisie sur salaire, qui sera prononcée par le juge saisi par le demandeur. Peut également être demandé auprès d’un huissier la mise en place d’une procédure de saisie attribution, qui demandera à la banque de l’ex-époux de prélever sur ses comptes bancaires les montants impayés.

Si les différentes procédures ont échoué, il est possible de demander au Trésor public de recouvrir jusqu’à six mois d’arriérés.

D. La fin de la prestation compensatoire

La prestation compensatoire n’a pas de caractère permanent. Le débiteur n’est pas tenu de maintenir le niveau de vie de son ex-époux indéfiniment.

Dans le cas d’un divorce à l’amiable, les époux peuvent déterminer la cessation du versement de la prestation sous forme de rente, par exemple lorsque le créancier se remarie ou lorsque son revenu dépasse un certain seuil.

Dans le cas d’un divorce contentieux par lequel le juge déciderait d’une prestation compensatoire sous forme de rente viagère en vertu de l’article 276 du code civil, il n’y a donc pas de limite de temps puisqu’il s’agit d’une rente à vie au vu de la situation du bénéficiaire qui ne peut pas subvenir à ses propres besoins.