Le droit au procès équitable encadre les garanties nécessaires afin qu’un tribunal rende une décision à la fois impartiale et indépendante et que les droits des parties soient respectés.
Il est entériné par la Convention européenne des droits de l’Homme (« la Convention ») à l’article 6 et bénéficie d’une protection en droit national.
En effet, le Conseil constitutionnel français a estimé dans une décision du 2 février 1995 que le droit à un procès équitable découle des droits de la défense et s’entend comme « l’existence d’une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties » en droit pénal comme dans le cadre d’un litige civil.
Dans le domaine des « délits » et des « crimes », le Conseil a décidé qu’un procès équitable se caractérise par « la séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de jugement ».
Cette séparation des pouvoirs garantissant ainsi « la sauvegarde de la liberté individuelle » (95-360 DC, 02 février 1995, cons. 6, Journal officiel du 7 février 1995, page 2097)
La Cour de cassation française a d’ailleurs précisé que la procédure pénale doit être à la fois équitable et contradictoire afin de préserver l’équilibre entre les parties et, a fortiori, de protéger l’article 6 de la CEDH (Cour de cassation – Chambre criminelle 5 mars 2019 / n° 17-87.402).
Qu’est-ce que le droit à un procès équitable selon la CEDH ?
D’après l’article 6 de la Convention, « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi ».
De plus, le juge a l’obligation de rendre son jugement public. Or, il y a des exceptions, notamment lorsque la publicité porterait « atteinte aux intérêts de la justice ».
L’article 6 de la Convention pose également la présomption d’innocence (alinéa 2) et les différents droits de la défense en matière pénale (alinéa 3), à savoir :
- Le droit d’être informé, dans une langue que l’accusé comprend, « de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui », le tout d’une manière détaillée ;
- Le droit d’avoir le temps et les moyens nécessaires pour préparer sa défense ;
- Le droit de « se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix », même s’il n’a pas les moyens de se le payer. En effet, ce droit inclue la possibilité de se faire assister gratuitement par un avocat, dans les cas où « les intérêts de la justice l’exigent » ;
- Le droit d’interroger les témoins à charge et « d’obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge » ;
- Enfin, le droit d’assistance gratuite d’un interprète si l’accusé le nécessite.
Lorsqu’un grief tiré de l’article 6§3 est soulevé, la question est examinée avec le premier alinéa prévoit la règle générale du droit à un procès équitable.
Les composantes du droit à un procès équitable
L’indépendance du tribunal
Pour la Cour européenne des droits de l’Homme (« la CEDH »), pour établir si un tribunal peut passer pour « indépendant » aux fins de l’article 6 § 1, il faut notamment prendre en compte :
- le mode de désignation et
- la durée du mandat de ses membres,
- l’existence d’une protection contre les pressions extérieures et
- le point de savoir s’il y a ou non apparence d’indépendance (Findlay c. Royaume-Uni, § 73).
L’impartialité du tribunal
Elle exige du juge de traiter les parties au litige sans idée préconçue afin de garantir l’égalité entre elles. (M.-A. Frison-Roche, « Le droit à un tribunal impartial », in Libertés et droits fondamentaux, Dalloz, 2012, no 681 ; M. Revault d’Allones, « L’impartialité du juge. Une problématique de tous les temps : d’Aristote à Hannah Arendt », in L’éthique des gens de justice, Entretiens d’Aguesseau, Limoges, PULIM, 2001, p. 183.)
D’après la CEDH, l’impartialité s’incarne par l’absence de parti pris ou de préjugés à l’égard des parties (Kyprianou c. Chypre [GC], § 118).
La CEDH précise que l’impartialité peut s’apprécier de diverses manières. Elle « distingue donc entre une démarche subjective, essayant de déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieur ou quel était son intérêt dans une affaire particulière, et une démarche objective amenant à rechercher s’il offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (Piersack c. Belgique, § 30).
L’accès au juge
Pour la CEDH, la Convention ne prévoit pas expressément le droit d’accès au tribunal : « l’article 6 par. 1 ne proclame pas en termes exprès un droit d’accès aux tribunaux. Il énonce des droits distincts mais dérivant de la même idée fondamentale et qui, réunis, constituent un droit unique dont il ne donne pas la définition précise, au sens étroit de ces mots ».
Cependant, pour la CEDH, « on ne comprendrait pas que l’article 6 par. 1 (art. 6-1) décrive en détail les garanties de procédure accordées aux parties à une action civile en cours et qu’il ne protège pas d’abord ce qui seul permet d’en bénéficier en réalité: l’accès au juge. Équité, publicité et célérité du procès n’offrent point d’intérêt en l’absence de procès ».
La CEDH conclut donc que « le droit d’accès constitue un élément inhérent au droit qu’énonce l’article 6 par. 1 » (Golder c. Royaume Uni, §§ 26-36).
Toute personne a donc le droit d’accéder à un juge en vertu du droit à un procès équitable. En matière civile, cela implique la possibilité pour tout justiciable de revendiquer leurs droits devant un juge (CEDH, Beles et autres c. République Tchèque, § 49).
L’égalité des armes
Dans le cadre d’une procédure pénale, ce principe implique que l’équilibre entre les parties doit être préservé (I., Article préliminaire, Code de Procédure pénale), c’est-à-dire qu’une partie ne doit pas être dans une situation où elle est désavantagée par rapport à l’autre.
Concrètement, la CEDH explique que « chaque partie doit se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions » qui ne créent pas de déséquilibre entre elles (CEDH, Dombo Beheer B.V. c/ Pays-Bas, § 33).
Dans le cadre d’une procédure civile, cela nécessite des parties qu’elles se communiquent mutuellement leurs arguments de fait sur lesquels elles souhaitent se fonder : les éléments de preuve comme les moyens juridiques.
La motivation des décisions
Cela implique que le juge justifie sa décision par des arguments de faits et de droit. Par exemple, cette composante du procès équitable oblige le juge à motiver suffisamment ses décisions.
La CEDH précise que la motivation de la décision doit permettre au requérant de faire éventuellement appel (Hirvisaari c. Finlande, § 30 in fine).
La publicité de la procédure
L’article 6 de la Convention prévoit que « le jugement doit être rendu publiquement » même si certaines exceptions sont acceptées en vertu de principes comme la moralité, l’ordre public, les intérêts des mineurs, la protection de la vie privée des parties, la sécurité nationale, etc… dans les cas où une audience publique porterait « atteinte aux intérêts de la justice ».
La CEDH estime que cela implique le droit à une « audience » (Fredin c. Suède (n°2), §§ 21-22), même s’il y a des exceptions dans certaines matières, par exemple lorsque le requérant demande à ce que l’audience soit tenue à huis-clos.
Assistance juridique et le temps et les facilités nécessaires pour préparer la défense
L’article 6 de la Convention dispose que toute personne a le droit « d’être défendue par un avocat ». De plus, la personne accusée doit avoir le temps et les moyens de préparer sa défense, notamment de recevoir « l’assistance d’un défenseur de son choix » ou d’un interprète au besoin.
La CEDH a d’ailleurs expliqué que ce droit à l’assistance juridique va dépendre de plusieurs éléments (https://rm.coe.int/1680304c4d, page 17.), notamment :
- « La gravité de l’enjeu pour le requérant (Steel et Morris c. Royaume-Uni, § 61 ; P., C. et S. c. Royaume-Uni, § 100) » ;
- « La complexité du droit ou de la procédure applicable (Airey c. Irlande, § 24) » ;
- « La capacité du justiciable de présenter effectivement sa cause seul (McVicar c. Royaume-Uni, §§ 48-62 ; Steel et Morris c. Royaume-Uni, § 61) »
- « L’existence d’une obligation légale de représentation par avocat (Airey c. Irlande, § 26 ; Gnahoré c. France, § 41 in fine) ».
Le délai raisonnable de la procédure
La CEDH a estimé que ce délai n’est pas fixe et doit s’apprécier « suivant les circonstances de la cause », en considérant « la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes » (Goetschy c. France, §29).
Quels sont les recours possibles en cas de violation du droit à un procès équitable ?
I- Les recours internes pour contester une violation du droit à un procès équitable
Au niveau national, il est possible de contester un dépassement du délai raisonnable via une procédure particulière. Il faut engager une procédure devant le Tribunal judiciaire de Paris contre l’agent judiciaire de l’État.
En ce qui concerne les autres composantes du procès équitable vus plus haut, elles pourront être soulevées par les parties devant toutes les juridictions, y compris la Cour de cassation.
II- Les recours auprès de la CEDH
A) Conditions de recevabilité de la requête auprès de la CEDH
1- L’épuisement des voies de recours internes
Afin d’introduire une requête à la CEDH, il est nécessaire d’avoir épuisé les voies de recours internes en vertu de l’article 35 de la Convention EDH.
Cela signifie que vous devez d’abord avoir saisi le juge français, fait appel de la décision et qu’en dernier ressort, la Cour de cassation (en matière judiciaire) ou le Conseil d’Etat (en matière administrative) ne vous a pas donné gain de cause.
Il faudra également soulever devant ces juridictions les griefs que vous comptez porter devant la CEDH.
La CEDH intervient alors en dernier recours.
2- Délai de 4 mois à compter de la date de la notification de la décision finale par une juridiction interne
Le délai court à compter de la date de la notification de la décision finale.
C’est pourquoi il est crucial de former sa requête dans les 4 mois qui suivent la décision.
Autrement la requête sera déclarée irrecevable par la CEDH selon l’article 35§1 de la Convention.
3- La qualité de victime
La personne formant le recours devant la CEDH doit être la victime directe ou justifier d’un lien suffisamment important avec celle-ci pour être fondée à former la requête pour elle (Centre de ressources juridiques au nom de Valentin Câmpeanu c. Roumanie [GC].
La CEDH juge que le requérant doit avoir un intérêt direct à exiger des autorités publiques l’adoption de mesures protectrices (CEDH, GC, déc., 9 avril 2024, Duarte Agostinho c. Portugal et 32 autres).
Parfois, un requérant peut être considéré comme une victime potentielle lorsqu’il risque de subir un préjudice à cause d’une législation nationale.
4- Le préjudice important au fondement de la requête
Par ailleurs, le préjudice causé aux droits du requérant doit être suffisamment important pour que la Cour déclare la requête recevable.
5- Le lien avec un droit protégé par la Convention européenne des droits de l’Homme (ici, le procès équitable)
Le litige doit concerner une contestation de nature civile ou une accusation pénale pour que l’article 6 de la Convention puisse s’appliquer.
B) La procédure de saisine de la Cour en cas de violation du droit à un procès équitable
Une fois la CEDH saisie, celle-ci peut condamner l’Etat en cause. Si elle constate la violation du droit au procès équitable, la Cour peut demander la réouverture d’une procédure pénale pour l’affaire en question si elle l’estime nécessaire au regard des circonstances (Moreira Ferreira c. Portugal (no 2), § 39).
Dans une autre affaire, la CEDH a estimé qu’il revenait à l’Etat condamné de prendre les mesures appropriées afin de régler les problèmes à l’origine de la violation du droit à un procès équitable (Advance Pharma sp. z o.oc. Pologne, 2022 §§ 364-366).
En droit français, tout comme plusieurs pays européens, la révision de la procédure est prévue dans la législation en cas de violation de la Convention dans une affaire pénale.
L’indemnisation du requérant
En cas de violation du droit à un procès équitable, le requérant peut obtenir des dommages et intérêts au titre du dommage matériel, du dommage moral et des frais et dépens engagés devant les juridictions nationales et devant la CEDH.
L’indemnisation du requérant est prévue par l’article 41 de la Convention.
Le préjudice matériel :
- Il incombe au requérant de démontrer que les violations en question lui ont porté préjudice matériel par des éléments de preuve (Yüksel YALÇINKAYA c. Turquie, § 424).
Le préjudice moral :
- En principe, la CEDH alloue au requérant une somme au titre du préjudice moral. Cependant, dans certaines affaires, elle peut considérer que le seul fait de constater la violation constitue une satisfaction équitable suffisante pour réparer le préjudice moral (§425, même affaire).
Se faire accompagner d’un avocat spécialisé de la CEDH : quels avantages ?
Afin de former une requête auprès de la CEDH, il est préférable d’avoir recours à un avocat spécialisé pour différentes raisons :
- Son expertise pointue du droit européen et de la jurisprudence.
- Sa maîtrise des conditions de recevabilité, des délais et de la procédure.
- L’accompagnement stratégique dès les recours internes.
- L’optimisation des chances de succès devant la CEDH.
- Le soutien face à la complexité du parcours judiciaire.
Si vous souhaitez saisir la CEDH d’une requête pour le non-respect du droit à un procès équitable, Contactez-nous pour bénéficier d’un accompagnement complet pour porter votre affaire devant la CEDH